DeepTech ≠ management à l’instinct
On nous a vendu l’instinct comme moteur de l’innovation. Dans la DeepTech réelle, il devient une contamination systémique.

Quand ta startup vaut mieux qu'un coup de poker.
On nous raconte que la DeepTech est une affaire d'instinct. Que le "flair" d’un fondateur, son "intuition visionnaire", suffirait à faire basculer un marché. Que la capacité à pivoter vaudrait plus que la capacité à caractériser.
"We invest in the founder, not in the tech."
"DeepTech breakthrough starts with visionary instinct."
"What matters is founder resilience, not technical proof."
(Discours réels entendus dans les panels DeepTech et VC entre 2022 et 2024 — Bpifrance DeepTech Tour, Hello Tomorrow Summit, Blast Accelerator, tribunes Elaia.)
⛩ À force de psalmodier ces slogans, on a perdu de vue une évidence : l'instinct ne suffit pas quand il faut manier de la matière, des capteurs, des lignes de production.
🪓 Ce que ça expose
La DeepTech n'est pas un terrain de jeu pour itérations improvisées.
Chaque pivot mal cadré coûte très cher : un redesign complet de la chaîne d’assemblage, des mois de recalibrage, parfois des années de certifications volatilisées, et des marges amputées avant même d’atteindre une série zéro.
Et plus grave encore : la contamination invisible des fondations scientifiques elles-mêmes.
Un paramètre mal caractérisé, un modèle physique négligé, et c’est tout l’édifice qui se fissure sans que personne ne s’en rende compte... jusqu’à l’échec final.
🧬 Pourquoi l’instinct est un piège
Dans un projet mécatronique ou semi-conducteurs, un pivot "instinctif" n'est pas une souplesse.
C’est une propagation lente d’erreurs. Voici à quoi cela ressemble :
- 🔢 Changer une variable sans recaractériser
- ⚙️ Modifier un interfaçage matériel sans revalider l’ensemble
- 🪨 Ajuster un matériau sans recalculer ses propriétés
On ne prototype pas un laser chirurgical en trois semaines avec une équipe de post-it enthousiastes.
Dans la DeepTech matérielle, chaque itération non cadrée n’est pas un simple bug : c’est un coût industriel, un risque physique, une désintégration silencieuse de la crédibilité technologique.
Au final, chaque mouvement mal maîtrisé fracture la scalabilité avant même que l’innovation n’ait une chance d’exister.
🧐 Le vrai crime narratif
Appliquer des réflexes soft-tech :
- pivot rapide
- itération sans infrastructure
- promesse sans matérialité
dans des environnements industriels qui exigent méthode, patience, et traçabilité.
Avec une approche “le marché d’abord” appliquée à des projets DeepTech matériels, c’est confondre accélération et désintégration.
C’est fragiliser l’ensemble dès la conception.
Car quand la structure cède :
- La précision industrielle tombe,
- La souveraineté technologique se dissout,
- La scalabilité devient un mirage.
Un investisseur qui confond un pivot logiciel et une recalibration photonique ne finance pas une DeepTech : il finance une fiction comptable.
Le mirage de la scalabilité sans maîtrise matérielle est la première cause silencieuse des morts lentes de la DeepTech européenne.
La DeepTech n’a pas besoin d’instinct.**
Elle a besoin d’architecture. De caractérisation. Et de précision impassible.**